Tempo Latino fête ses 30 ans dès ce jeudi à Vic : sous les cuivres, la menace

24 juillet 2025 - 15:54

À Vic-Fezensac, le plus grand festival de musiques latines d’Europe fête cette semaine ses 30 ans. Mais derrière l’euphorie des concerts, une menace bien réelle plane sur l’avenir du rendez-vous.

Évoquer Tempo Latino avec Éric Duffau, c’est ouvrir un livre de souvenirs intarissables. Demandez-lui un moment fort des trente dernières années qui viennent de s'écouler et le fondateur du festival vous renverra aussitôt : « De quelle année ? Car il y en a trop. » Pourtant, dans la boite des instants gravés à jamais, il se rappelle de l'épisode de 1996. « On avait programmé Oscar D’León, c’était énorme pour nous. Une tempête a tout annulé au dernier moment mais il a tenu à faire une interview, pour dire qu’il reviendrait. Et en 1997, il est revenu pour un concert de 3h30. Il nous a dit merci, qu’on était des gens de parole. C’est là que Tempo a vraiment pris son envol. » Manu Chao, pour ne citer que lui dans cette sélection non-exhaustive des artistes qui ont foulé la scène vicoise, marquera en 2007 encore un peu plus l’histoire du festival : une représentation de trois heures, des arènes pleines à craquer, et des milliers de personnes en fusion.

Et maintenant ?

Cette année encore, des artistes venus du monde entier électriseront l'ambiance du festival dans ce contexte si singulier des trente bougies. Comme Acido Pantera, duo colombien installé en France qui fusionne musiques brésiliennes et sons électroniques. Mais si sur scène le feu sacré est intact, en coulisse la réalité est plus rude.

Trois décennies plus tard, Tempo Latino est toujours là, fidèle au poste, debout, flamboyant... mais pour combien de temps encore ? Cette 30e édition, qui débute ce jeudi à Vic-Fezensac, pourrait bien être la dernière. A entendre Éric Duffau : l’heure n’est pas seulement à la célébration, elle est aussi à la lucidité. « On est menacé oui, et même grandement », confie-t-il. « Depuis quelques années, on tient avec les moyens du bord, mais tout devient plus compliqué : la concurrence, la logistique, le financement… »

Le festival, qui ne compte que deux salariés permanents et une armée de bénévoles, voit ses comptes virer dans le rouge depuis deux ans. « Les subventions diminuent. L’État n’apporte rien, si ce n’est des contrôles. Les collectivités locales sont de plus en plus frileuses. Et la concurrence s’est densifiée, parfois même à des dates équivalentes, avec des programmations proches. Ici, on se fait tout nous-mêmes et on n’a pas les moyens des grosses structures. Il y a des métropoles qui payent des artistes avec de l’argent public. Certains s’y plient, mais ça dévalorise tout. »

Un appel au respect… et à l’acte citoyen

Le message d’Éric Duffau est clair : venir à Tempo, c’est un acte de soutien. « Le spectacle, ça coûte. Il faut payer son entrée, comme quand on va dans un restaurant du village pour qu’il reste ouvert. Et ce n'est pas en payant cinq euros la soirée, avec des artistes qui viennent du monde entier, qu'on va y arriver. Les gens doivent comprendre ça. Et même si j'étais élu, je paierais ma place, c’est une question de respect. »

Malgré les difficultés à surmonter, l’âme de Tempo Latino reste vive : l’amour des musiques latines, du métissage, de la fête, du vivre-ensemble. « On veut que les gens aiment cette musique, qu’ils la découvrent, qu’ils la vivent. Il y a tous les publics ici : les avertis, les curieux… Et toujours des artistes qu’on rêve de faire venir. » En attendant la suite s'il y en a une, le tempo bat toujours à Vic.

Précision : la programmation du festival est disponible ici

N.M

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