Gers : fermeture du collège de Cazaubon à la rentrée prochaine : "on veut crever l'ouest du département" s'insurge la maire Isabelle Tintané

12 février 2025 - 08:41

Le Conseil départemental prévoit de fermer le collège de Cazaubon à la rentrée prochaine en raison de « la faiblesse des effectifs » et des "projections inquiétantes » pour l’avenir. Cette décision annoncée en début de semaine par le président du département Philippe Dupouy aux élus locaux et à la communauté éducative, suscite une vive indignation dans le nord-ouest du Gers.

À quelques jours des vacances scolaires, c'est une annonce qui provoque une véritable onde de choc dans le nord-ouest du Gers : la fermeture à la rentrée prochaine du collège de Cazaubon. « L'annonce m'a été faite lundi par le président du Conseil départemental. Il s'est rendu à mon bureau à la mairie pour m'annoncer la fermeture du collège à la rentrée de septembre 2025 » raconte Isabelle Tintané, la maire de Cazaubon, commune qui rassemble plus de 1600 habitants. « J'ai immédiatement demandé des explications. Savoir comment peut-on fermer un établissement scolaire du jour au lendemain ? "Il m'a expliqué que, face à la réduction des dotations, des choix politiques difficiles devaient être faits pour réaliser des économies. Le collège de Cazaubon étant un petit collège avec un effectif moindre, donc la décision a été prise de sacrifier notre établissement. Un collège public qui ferme dans un territoire rural, je n’ai jamais vu ça », fustige l'édile, également conseillère départementale de l'opposition.

Une première alerte en 2019

La menace d'une fermeture du collège de Cazaubon n'est pas nouvelle. En 2019, face à des effectifs jugés insuffisants par le rectorat, l'établissement comptant moins d'une centaine d'élèves répartis sur quatre classes, avait dû fusionner avec celui d'Eauze pour échapper à la fermeture. « À l’époque, le président du département, Philippe Martin, s’était opposé à la fermeture du collège et avait préféré travailler avec nous, les élues, pour trouver des solutions, optant pour un collège multi-site. Depuis 2019, les sites d’Eauze et Cazaubon forment un seul et même collège, mais avec deux antennes. Autrement dit, un même staff administratif gère les deux sites, tandis que les enseignants se répartissent entre les deux établissements. Cela nous a permis de conserver nos quatre classes, couvrant quatre niveaux différents » explique Isabelle Tintané. 

« Une décision qui devenait inéluctable dans le temps » pour le président du département

Mais six ans plus tard, la problématique des effectifs refait surface. Et pousse le président du département à prendre cette « lourde décision » en lien avec les services de l’Éducation nationale. « C’est une décision difficile à prendre, surtout pour nous, élus de gauche. Mais il est important d’expliquer pourquoi nous en sommes arrivés là. Cela fait plus de 15 ans que ce collège rencontre des difficultés liées à ses effectifs. En 2019, le rectorat avait déjà alerté sur cette faiblesse, nous demandant quelle solution nous envisagions. Nous avions alors opté pour la fusion des collèges de Cazaubon et d’Eauze, une mesure qui n’a cependant pas permis d’améliorer les effectifs. Aujourd’hui, nous nous retrouvons avec des effectifs extrêmement bas, avec un collège qui ne compte qu’une seule classe par niveau. Et des projections très inquiétantes sur les années à venir. Nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation où, en raison de la baisse continue des effectifs, même un léger regain l'année prochaine ne suffira pas à éviter cette décision, qui devient inévitable dans un futur proche », explique le président du département. 

Des effectifs « en stagnation » ces dernières années pour la maire de Cazaubon

Ces arguments ne parviennent pas à convaincre Isabelle Tintané. « Les effectifs stagnent depuis plusieurs années, ce n’est pas un phénomène nouveau. Il y a six ans, nous étions à 90 élèves, aujourd’hui nous en comptons 93, et nous serons 99 à la rentrée prochaine. Je comprends qu'on parle de projections à 5-6 ans concernant la baisse des effectifs, mais pendant ce temps, nous avons la possibilité de nous réunir, de discuter et de définir un projet. Il n’y a pas urgence à fermer dès septembre. » L'élue dénonce également un manque de concertation. « Les parents et la communauté éducative ont appris la nouvelle hier, tout comme moi. Le manque de concertation a surpris tout le monde. Nous n’avions jamais été informés d’un risque de fermeture à la rentrée 2025. En tant que conseillère départementale, siégeant à la commission collège, cette fermeture n’a jamais été abordée. Certes, le département doit faire des économies, je l’entends bien, mais quand on me dit que fermer le collège de Cazaubon permettrait d’économiser seulement 110 000 euros par an, j’ai du mal à saisir ce choix. » Le président du Conseil départemental, Philippe Dupouy, entend la colère des habitants du secteur, mais se défend face à certaines critiques. « Bien-sûr que ça peut paraître brutal, mais ceux qui tombent des nues en apprenant cette décision, il faut retrouver un peu d’objectivité. Ce sujet est abordé depuis fort longtemps, notamment sur la question de savoir s’il est raisonnable de maintenir un établissement avec des effectifs aussi faibles. On ne découvre pas aujourd'hui que le collège de Cazaubon est en grande difficulté ». 

"Un impact pour la vie économique de la commune"

La maire craint que cette fermeture engendre des répercussions pour l’attractivité de sa commune, connue pour sa station thermale de Barbotan-les-Thermes parmi les plus importantes de France avec près de 23 000 curistes et accompagnants par an, et son Lac de l'Uby, qui accueille de grandes compétitions d'aviron. « Je suis très inquiète, car on a aussi des parents qui ont leurs enfants à l’école primaire et maternelle et au collège. Que vont-ils faire désormais ? Vont-ils rester dans la commune ou dans les environs ? C’est une désorganisation totale. Il va y avoir aussi des répercussions pour nos associations, et le monde économique local. J’en veux au département, mais également à l’État et au Préfet qui va entériner cette fermeture. On veut redynamiser les centres-bourg dans les territoires ruraux, et derrière on ferme un collège du jour au lendemain. On veut tout simplement tuer l’ouest du Gers, qui fait également face à des fermetures de classe en élémentaire en vue de la rentrée prochaine. L’Ouest du département n’existe pas du tout pour ce département du Gers » s’indigne Isabelle Tintané.

Une fuite d’élèves vers les Landes ?

Quid des 99 élèves inscrits pour la rentrée prochaine ? Ceux qui le souhaitent pourront intégrer les collèges de Nogaro et d’Eauze, situés à une vingtaine de minutes de leur collège actuel. Mais pour la maire de Cazaubon, cette fermeture va surtout entraîner une fuite des élèves vers les Landes, département limitrophe. « Nous avons une proximité plus importante avec un collège privé à Gabaret dans les Landes, qu’avec les autres collèges publics aux alentours (Nogaro et Eauze), je pense donc que beaucoup d’enfants vont filer vers cet établissement et quitter le département. » Une problématique dont est conscient le président du département Philippe Dupouy. "Inévitablement il y en a qui vont partir vers les Landes. Cette proximité de Cazaubon avec les Landes, personne n'en est responsable, mais c'est une réalité".

En attendant que la décision soit soumise au vote des conseillers départementaux dans les prochains jours, parents d’élèves, personnels, et élus locaux, envisagent de mener des actions d’ici la fin de semaine pour faire entendre leur colère face à cette décision. 

E.R

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