Les deux autres Gersois de la Coupe du Monde

18 septembre 2023 à 15h08

Si le destin des demi-de-mêlée gersois est de partir à la conquête du Graal tout de bleu vêtu, ces deux là ont troqué la tunique frappée du coq avant de s'élancer dans l'aventure d'une vie. Enfants du Gers, ils ont répondu à l'appel de l'Histoire en allant piocher dans leur propre histoire, et c'est pour l'Italie et le Portugal qu'ils fouleront les pelouses de France. Découvrez dans cet article Martin Page-Relo et Samuel Marques. 



Ils sont nés au cœur de l'Armagnac. C'est aussi là qu'ils sont tombés dans la marmite du rugby étant petits. Puis le temps a fait son œuvre, inexorable, sélectionnant année après année la fine fleur de ce jeu, cabossant son lot de volontaires aspirants à la gloire. Eux sont restés debouts, comme ces tournesols gersois pointés vers l'astre lumineux. Le leur a deux oreilles et un nom à consonnance britannique : William Webb-Ellis.

Au commencement était le rugby. Gersois, évidemment. Purs produits des écoles de rugby du département, leur parcours n'a rien envier à celui de leurs compatriotes - mais néanmoins adversaires - français. Coutume locale, le ballon ovale les a accueillis dans deux US. L'Union Sportive Eauze d'Armagnac pour Marques, l'Union Sportive L'Isle-Jourdain pour Page-Relo. C'est là qu'ils ont fait leurs premières classes … enfin pas tout à fait pour le petit Samuel « qui a appris à marcher avec un ballon de rugby » raconte son père, Delphin Marques, né au Portugal et longtemps président du club élusate. « Il s'amusait avec un ballon, il ne savait pas encore marcher, et un jour le ballon lui a échappé. Il s'est levé et il est allé chercher ce ballon de rugby ». Sans parler de prodige, les deux joueurs partagent la facilité qui les a guidés dans leurs jeunes années, et conduits, (hasard?) à occuper un poste (totalement) dénué de toute responsabilité : demi-de-mêlée. Presque une évidence pour Serge Dalby, responsable de l'école de rugby de l'USL lors des débuts du petit Page-Relo : « Martin était habile, avec énormément de dextérité et de vitesse dans ce qu'il faisait, déjà en équipes de jeunes ».



De jeunes rugbymen au talent certain

 

Une habileté que les deux rugbymen auraient pu dévouer à d'autres seins. « Il a joué au football, pour lequel il était très doué. Il est doué de ses mains et de ses pieds » raconte Delphin Marques. Un classique serions-nous tentés de dire. Pour Page-Relo, c'est sur un autre vert qu'il aurait pu verser, « il avait des aptitudes pour la majorité des sports pour lesquels il s'essayait. Avant de basculer sur le rugby il était un excellent joueur de golf ». S'il est difficile de trouver trace d'un put du Lislois, Samuel Marques a gardé son attrait pour les gros swings : « à 13-14 ans il arrivait à passer des pénalités de 50m facilement ». Un statut de botteur qu'il a endossé avec une certaine réussite pour le Portugal. 30 mètres face aux poteaux à la sirène, une sinécure pour le Gersois, qui n'a pas tremblé au moment de composter le billet lusitanien pour la Coupe du Monde, en novembre dernier face aux Etats-Unis.

Après avoir fait les beaux jours de leur club formateur est venu le temps de prendre un envol vers les sphères professionnelles. Page-Relo de manière plus précoce que son homologue d'ascendance portugaise puisqu'il a signé au Stade Toulousain à tout juste 13 ans, après avoir impressionné son monde et tapé dans l'oeil d'un recruteur particulier. « A 12-13 ans il y a des parcours organisés par le comité Armagac-Bigorre sur de la technique individuelle, de la vitesse, de la dextérité. Le côté exceptionnel de Martin c'est, par rapport à d'autres du club qui l'ont gagné, qu'il a gagné deux fois en suivant dans une même catégorie à 12 et 13 ans. Cette saison là on a fait un tournoi à Gaillac et il s'avère qu'on a affronté en finale le Stade Toulousain entrainé par Emile N'Tamack, et bien sûr son fils (Romain) faisait partie de l'équipe. Martin a été vu ce jour-là un petit plus sur le côté match et tout de suite après la fin du tournoi Emile N'Tamack est venu le voir pour lui demander s'il n'était pas intéressé pour signer au Stade Toulousain la saison suivante ». Pour Samuel Marques la rivière a mis plus de temps à trouver son fleuve. L'Elusate a dû attendre ses 19 ans pour signer à Pau, l'autre bassin versant où affluent les pépites de l'ouest du Gers. « On était en entente avec le club de Nogaro au niveau des juniors, et déjà il était supérieur aux autres. Il menait l'équipe avec ce côté malicieux. C'est là qu'il a été repéré par la Section Paloise », conte son père.

 

Tous les chemins mènent à la Coupe du Monde



Les nombreuses similarités s'arrêtent là. Pas au même moment de leurs carrière, Martin Page-Relo (24 ans) et Samuel Marques (34 ans) ont suivi deux parcours différents dans le concurrentiel monde professionnel. Le dernier nommé a trainé ses guêtres dans différents clubs (Pau, Toulouse, Albi, Brive, Carcassonne, Béziers), sans jamais quitter son sud-ouest natal, mais en ayant le temps d'écumer les mers du globe avec la sélection lusitanienne. Pas forcément Vasco de Gama, c'est surtout sur le sol européen que Samuel Marques a porté le vert. L'Elusate qui « espérait être sélectionné avec la France », malgré une carrière internationale contrariée dans les catégories jeunes, a rejoint Os Lobos (Les Loups) en 2012-2013, avant de laisser de côté la sélection pendant de nombreuses années. Il y a fait son retour en 2020, sous la férule du nouveau gourou basque de l'équipe nationale : Patrice Lagisquet. « C'est surtout ça qui l'a décidé. Lagisquet l'a sollicité plus que les autres, a insisté ». Pas au mieux depuis sa première, et jusqu'à aujourd'hui, unique participation à un Mondial, en 2007 déjà en France, le Portugal a relevé la tête au tournant des deux décennies. La sélection lusitanienne a effectué un retour remarquant et remarqué dans l'élite du rugby continental ces quatre dernières saisons, après une infâmante chute au deuxième échelon (le Trophy, équivalent du Tournoi C) entre 2017 et 2019. Une embellie à laquelle Marques n'est pas étranger. Seul 9 à jouer hors du pays de Camões, il apporte aux loups une expérience (Top 14, ProD2) nécessaire au moment de défier des cadors (Pays de Galles, Australie) qu'ils n'ont pu observer qu'à la télévision depuis 2007, à défaut d'affrontements régulier entre Tier 1 et Tier 2 du rugby international.

Pour Martin Page-Relo, qui connaitra son premier transfert vers Lyon une fois la Coupe du Monde passée, le projet italien n'a pris du galon qu'il y a peu. Au moment du tirage au sort qui plaçait l'équipe transalpine à la lutte avec le XV de France et la Nouvelle-Zélande, fin 2020, le Lislois était en prêt à Carcassonne, une saison avant que Samuel Marques ne rejoigne le club jaune et noir. Bien loin donc de la tête d'affiche, il répétait ses gammes dans l'espoir de troquer le jaune audois contre le rouge toulousain, en doublure d'Antoine Dupont. L'Italie ? Même pas dans un coin de la tête. Non pas que la concurrence azzurra à son poste ait jamais constitué un obstacle infranchissable ; mais tout de même, pour un jeune 9 de Pro D2, aux origines italiennes plus patronymiques que vécues … C'est finalement le passage par l'accélérateur de particules Ange Capuozzo qui a rapproché Martin Page-Relo de la maglia, fin 2022. L'arrière toulousain évoque la possibilité au Gersois, qui accepte de tenter l'aventure. Son profil séduit le staff italien et le voilà propulsé en pleine préparation du Tournoi des Six Nations malgré une situation contrastée, pour ne pas dire précaire, du côté d'Ernest-Wallon, où il est en concurrence avec l'Auscitain Paul Graou. Assez rapidement au fait du projet, Serge Dalby et le club de la Save ont tout de même attendu que la sélection finale tombe pour se réjouir de la sélection de l'enfant du pays. Presque une anomalie historique corrigée. « L'Isle-Jourdain est une ville où près de de la moitié de la population a des ascendances italiennes, donc au-delà de Martin il y aurait pu y avoir plusieurs autres internationaux pour l'Italie, à l'instar de Patrick Tabacco ». 



Quatre matchs (et plus ?) pour briller 



Entré en jeu à la cinquantième minute d'un match bien en main à la Namibie, Martin Page-Relo a pu se mettre dans le bain en signant notamment une passe décisive pas des plus simples. Avant d'attaquer les choses « sérieuses », probablement dans la peau d'un finisher. Et pourquoi pas imaginer le voir rentrer au terme d'un match au couteau face à l'équipe de France, et faire la différence pour les Bleus d'Italie ? « Chaque fois que Martin joue on a les regards tournés vers lui et ses résultats. Après évidemment on ne va quand même pas souhaiter que la France perde contre l'Italie. Moi je souhaite surtout que Martin joue ce match et qu'à l'arrivée la France gagne » tempère Serge Dalby. Samuel Marques n'aura pas ce problème à gérer. Gêné par une blessure au mollet, il a réussi à tenir sa place dans la charnière lusitanienne face au Pays de Galles. Héroïques, les Portugais ont fait trembler le Poireau (8-28) dans un match où l'Elusate a tenu son rang, ne s'échappant pas au plaquage et assumant son rôle de buteur en dépit d'une gêne persistante. Samedi c'est à Toulouse que le Gersois défiera la Géorgie, sans doute le duel le plus abordable du calendrier portugais et l'occasion, surtout, de jouer « à la maison ». Un événement que ne ratera pas Delphin Marques : « on sera présent, avec mes enfants et ma femme à Toulouse. Les amis d'Eauze organisent un car pour venir le voir jouer, ça va être un grand moment ». 

Si leur parcours n'aura peut-être pas le lustre de ceux des hommes de Galthié, les deux autres Gersois de la Coupe du Monde ne sont pas là pour faire de la figuration. 



V.M

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