Boostée par sa nouvelle salle, l'escalade gersoise fait bloc

28 juin 2024 - 14:39

Doté d'une salle d'escalade depuis 2022, le Club Alpin Français Auch-Gers étend peu à peu sa corde. Coup d'oeil sur une pratique en salle en verve à quelques semaines des Jeux Olympiques.

Le bruit mat du tapis signale une nouvelle chute, mais déjà la paroi est prise d'assaut. La durée de vie d'un grimpeur sur un bloc n'excède généralement pas la minute, soit à vaincre le mur de trois à quatre mètres de haut, soit à lui céder une manche. Peu importe, la discipline a instauré une prime au risque : tomber c'est se relever et repartir à l'attaque des prises colorées, souvent sous les acclamations de ceux qui attendent leur tour au pied des murs, les pieds engonçés dans des chaussons et les mains blanches de magnésie. Dans la salle auscitaine, pas de poudre sur les phalanges – elle est interdite – ni aux yeux, l'ambiance est, vraiment, conviviale. « Je viens de Montpellier et j'en faisais déjà là-bas. Ce n'est pas du tout pareil parce que là c'est associatif, à Montpellier c'était un gros truc, une chaine. Je préfère l'ambiance ici, plus familiale, plus entraide » témoigne Sophie, tout juste débarquée dans le Gers et qui a poussé la porte de l'ancien stand de tir, antre verticale du Club Alpin Français Auch-Gers (CAF-AG).

Le bloc, une pratique à part entière

Porte toujours ouverte évidemment, pour garder ce lien avec l'extérieur et les racines de l'escalade. Le nom du club est évocateur, la vocation première de l'escalade, du moins à l'origine, se trouve au grand air. « C'est une association qui propose toutes les activités possibles en montagne, ça va de la randonnée au ski, à l'escalade-alpinisme, cascade de glace, VTT ou spéléologie » explique Alexandre Merlet, encadrant au CAF-AG. Des excursions dans les Pyrénées sont régulièrement organisées pour les quelques deux-cents adhérents de la structure, histoire de tâter la falaise, la vraie.

Reste que certains, un nombre non-négligeable d'ailleurs, se contentent de la salle. Le reflet d'une pratique qui a pris son essor hors de prise de l'état d'esprit originel de la discipline à en croire Marie, la doyenne, présente ce soir. « Dans les années 90 c'était beaucoup plus une escalade nature, qui collait au rocher. On étudiait le rocher, il fallait y consacrer une journée ou une bonne demi-journée, alors qu'ici en une ou deux heures c'est bon ». Moins de temps, moins de patience peut-être, une logique « urbaine » qui s'accomode fort bien de grandes salles artificielles. Qu'importe le rocher, pourvu qu'il y ait l'ivresse des – petits – sommets. « La salle était là juste pour acquérir plus de force, d'entrainement. Elle est devenue une escalade à part entière, beaucoup plus gymnique, plus acrobatique. Ce qu'ils font en bloc là ne ressemble pas à ce qu'on fait en nature ».

Une salle à Auch, accélérateur de grimpe-attitude

Un constat plus qu'un jugement sur l'évolution des pratiques. Longtemps portée par des individus épris de grands espaces et de confrontation entre l'homme et la nature (confère le manifeste des 19), l'escalade a fait sa mue vers le statut de véritable pratique sportive, sanctionnée par des compétitions officielles et, depuis 2021, une présence aux Jeux Olympiques. Du relatif anonymat des prémisses de Fontainebleau ou du Yosemite, les grimpeurs, amateurs comme confirmés, passent désormais beaucoup de temps à l'intérieur. Une possibilité que Marie elle-même, qui assure ce soir là Pascal – un autre « ancien » – sur la seule voie de difficulté de l'ancien stand de tir, attendait avec avidité : « ça change tout, on l'attendait depuis 30 ans cette salle ».

Avant le Budget Participatif Gersois première édition et son coup de pouce de 50 000 euros (la mairie a investi près de 250 000 euros au total), il fallait s'exporter pour travailler les basiques. « On avait accès à un petit mur du côté de Masseube, c'était très limité et un peu redondant. On allait surtout en falaise » explique Alexandre Merlet. L'arrivée du mur, dont les prises sont régulièrement renouvellées, a permis au CAF-AG de trouver un nouveau public dans toutes les catégories d'âge. Même si Marie attend la suite. « On attend avec impatience l'extension, parce que la salle est difficile. C'est un niveau assez élevé ». Avec ses trois murs de bloc en dévers, l'équipement est en effet particulièrement challengeant pour les novices. Grâce, encore, au Budget Participatif Gersois – le troisième cette fois – la salle va subir un second relifting.

Les valeurs de l'escalade

La perspective d'un équipement plus accessible, cheval de bataille de la candidature au BPG3, et stratégie gagnante puisque l'association devrait de nouveau bénéficier d'une vingtaine de milliers d'euros en vue de travaux qui devraient ajouter 176m2 de paroi supplémentaires à l'existant à l'horizon 2025. Un peu de bloc, beaucoup de « corde » et surtout pas mal de dalle, l'inverse du dévers, soit une pente positive « facile ». La faim de grimpe va ainsi pouvoir toucher des publics en situation de handicap, comme au sein des Instituts Médico-Educatifs, déjà ciblés.

Au CAF-AG, clup « alpin » oblige, la pratique est avant tout focalisée sur le loisir et ne compte aucune section centrée sur la compétition. « C'est vraiment la pratique pour se faire plaisir, pour s'amuser » détaille Alexandre Merlet, alors qu'au fond de la salle les cris d'encouragement fusent pour celui qui s'écharpe sur la pente inclinée. Pas d'affrontement entre grimpeurs peut-être, mais chacun cherche midi à son bloc, ses propres limites, avec le soutien des autres athlètes présents – entre une poignée et une dizaine par session de deux heures. Pratique individuelle, après le boulot, mais collective dans l'état d'esprit. « Les valeurs de l'escalade … C'est une question très philosophique. Je pense l'entraide, la bienveillance, on l'entend là, tout le monde se crie dessus ''allez, allez'' » savoure Sophie, qui se laisse ça et là prendre par l'ambiance, « parfois je passe plus de temps à parler avec les gens qu'à grimper ». En salle ou sur site, encordé ou accordé, à Auch l'ivresse des sommets n'attend pas le nombre des années.

V.M

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